Réseau des Leaders et Exécutifs : le ruissellement vers le haut, by Orange

Depuis quelque temps, comme nous, vous devez entendre parler d’une catégorie de salarié-e-s qui auraient un statut particulier, les leaders et les exécutifs ? Pratiquement aucune information sur cette catégorie du personnel n’est disponible. SUD s’est donc intéressé de près à ce cercle restreint de l’« Orange d’en haut », à propos duquel nous avons posé un certain nombre de questions à la direction, qui nous a reçus en audience…

« Leaders et exécutifs », un séparatisme social à Orange

Insatisfaite sans doute de la classification des postes à Orange, la direction établit depuis des années une hiérarchie au sein des « postes-clés » (la « clé » étant un concept vendu par des cabinets de consultants déclinable à l’envi, Fabienne Dulac est grande fan !), avec une subtile décorrélation entre postes et personnes. Les postes-clés exécutifs sont ceux qui rayonnent au niveau groupe, les postes clés leaders vivent dans l’ombre des exécutifs et ne rayonnent qu’au niveau de leur entité.

Les notes de création ou de gestion de ces réseaux de « leaders et exécutifs », qui avaient succédé aux « décideurs » et aux « entrepreneurs », ne se trouvent pas aisément, voire pas du tout. Les leaders et exécutifs sont surtout célèbres depuis 2017 et l’Attribution Gratuite d’Actions aux salarié-e-s, notamment parce que le nombre d’actions qui leur avait été accordé par la direction était légèrement supérieur à celui du reste du personnel : 30 fois !!!

Depuis, qui sait que, chaque année, ils ont continué de bénéficier d’actions gratuites ? Au total, les « exécutifs » auront reçu 8065 actions et les « leaders » 4065. Les autres salarié-e-s n’ayant pas les mêmes besoins, Orange leur a attribué royalement… 65 actions !

Un club sélect et très discret, qui cultive l’entre-soi, chut…

Le Club qui ouvre droit à ce traitement VIP est, sans comparaison aucune, le plus sélect et opaque d’Orange. Sélect il va de soi, opaque, car on ne sait à quelle porte frapper afin d’y entrer. Sans doute la traduction du serment de transparence de Stéphane Richard !
Il semblerait que le club soit composé d’environ un millier de cadres et qu’ils ne soient pas tous cadres dirigeants. En effet, 25% des leaders occupent un poste de niveau F, les autres sont de niveau G, mais pas tous les G... Et moins de 30% de femmes ! Un club très masculin quoi ! Par ailleurs, leur nombre semble évoluer ces dernières années en sens inverse de celui des effectifs à Orange, moins on est nombreux dans l’entreprise, plus il y a de Leaders et Exécutifs !

Outre la générosité de l’entreprise dans l’octroi d’actions gratuites, ils disposent d’autres avantages : offres d’emplois réservés, formations dédiées, suivi RH personnalisé, équipements informatiques et mobiles dernier cri. Le service de soutien informatique dont ils bénéficient en exclusivité porte le chic nom de « Tapis Rouge », cela ne s’invente pas !
Enfin, l’intérêt étant de cultiver l’entre-soi entre VIP et d’approcher le bon Dieu et ses apôtres, ils/elles sont invité-e-s de temps en temps à boire les paroles des grands dirigeants d’Orange à Marrakech, à Bruxelles ou à l’Orange Vélodrome privatisé pour l’occasion !
En théorie, on perd son statut de leader ou exécutif quand on n’est plus sur un poste labellisé, mais… Orange permet de le rester à titre individuel.

Être leader ou exécutif, ça n’apporte rien officiellement selon la direction, mais visiblement on ne veut surtout pas ne plus l’être !

Un corps d’élite aux fondements de droit carrément tordus

SUD a demandé des explications à la DRH groupe, notamment parce que ce traitement différencié et inégalitaire sur des critères obscurs de cadres d’un même niveau est contraire aux obligations d’Orange contenues dans différents accords d’entreprise, mais surtout dans la Convention Collective Humapp (ex CCNT) qui régit Orange SA. En résumé, non conformes au droit tout court !
La Direction explique qu’en aucun cas l’existence et les avantages dont bénéficient les leaders/exécutifs étaient contraires au droit, mais… qu’elle réfléchissait quand même à l’évolution de ce qu’elle appelle un simple « réseau de managers ». SUD a souligné que l’existence d’offres d’emplois réservés pour ces statuts était une violation claire de la GPEC, ainsi que de l’accord-phare tant désiré par la Direction, à savoir l’accord ARCQ ! Tout comme omettre de mentionner dans ces annonces le niveau de classification !

Un premier pas sous la pression de SUD

Depuis le mois de décembre, Orange a corrigé l’anomalie et tous les salarié-e-s peuvent désormais prendre connaissance des offres d’emplois leaders et exécutifs. Comme quoi s’interroger sur la légalité et demander des explications permet parfois de faire avancer les choses !
Mais cet affichage ne règle pas tout. En effet, l’accès à l’information sur les postes vacants ne veut pas dire que le salarié non-leader part avec les mêmes chances que le collègue qui l’est déjà. Si on regarde de près, on voit que les postes s’adressent exclusivement à des leaders/exécutifs. D’autres documents internes indiquent clairement qu’un recrutement en dehors de ce réseau ne peut se faire que lorsqu’aucun membre du Club n’est intéressé. La DRH groupe doit mettre fin à cette violation des accords et à cette flagrante inégalité de traitement !

Tous égaux/égales sur un même niveau, mais certain-e-s plus que d’autres

Outre la difficulté que certains salariés rencontrent quand il leur faut chercher un poste au sein du groupe, c’est la nature même de ce réseau qui pose question. Quels sont les critères qui permettent de différencier un poste de niveau F d’un autre poste de niveau F ?
La Convention Collective HUMAPP classe les emplois en huit niveaux et considère que ces postes sont d’importance équivalente lorsqu’ils appartiennent à la même catégorie. Si un poste F vaut autant qu’un autre poste F, qu’est ce qui justifie cette différence de traitement entre salariés ?
Si vous partagez notre analyse et souhaitez vous joindre à notre action, contactez un militant SUD de votre périmètre ou écrivez-nous sur orange@sudptt.org

L’accord SCELER-ARCQ au secours de la direction

La direction, consciente que le dispositif mis en place depuis plus de 10 ans pose un problème, a dû trouver un moyen de rendre tout cela compatible avec la Convention Collective et avec le droit en vigueur. Pour cette véritable opération de blanchiment, elle a utilisé l’Accord ARCQ.

Alors que dans l’accord signé par des organisations syndicales, aucune mention n’est faite des leaders et des exécutifs, la direction a introduit des fiches métiers qui distinguent les deux types de cadres. Sans discussion avec les syndicats il va de soi ! C’est ainsi qu’elle prétendait légitimer ces statuts. Tout cela est passé comme une lettre à la Poste, notamment auprès des syndicats ayant soutenu l’accord ARCQ. Certain-e-s de leurs leaders feraient-ils partie du club ???